Procédure de dédouanement des marchandises au Maroc : cadre général, spécificités régionales et exonérations pour les ONG
Dans un contexte de mondialisation croissante et d’intensification des échanges commerciaux, la maîtrise du cadre juridique applicable au dédouanement des marchandises est devenue un enjeu stratégique pour les entreprises opérant au Maroc, comme pour les acteurs internationaux souhaitant y développer leurs activités. Ce sujet revêt un intérêt particulier non seulement en raison de la complexité des procédures douanières, mais également au regard des implications fiscales, logistiques et réglementaires qui en découlent. Il est d’autant plus crucial dans certaines régions du Royaume, comme les provinces du Sud, ou dans des contextes spécifiques tels que l’acheminement de l’aide humanitaire. Cet article vise à offrir une synthèse claire et opérationnelle des principales règles encadrant le dédouanement, tout en mettant en lumière les régimes dérogatoires et les dispositifs d’allègement disponibles pour certains opérateurs.
1. Le régime juridique du dédouanement au Maroc
Le dédouanement des marchandises au Maroc est encadré principalement par le Code des Douanes et Impôts Indirects ( ci- après désigné par "CDII"), ainsi que par les textes réglementaires émanant de l’Administration des Douanes et Impôts Indirects (ci- après désignée par "ADII"). Ce processus constitue une étape essentielle de l’admission en libre circulation de marchandises importées ou exportées, et implique le respect de règles strictes en matière de déclaration, de contrôle et de liquidation des droits et taxes.
L'opération de dédouanement débute par la constitution d’un dossier comportant les pièces exigées, telles que la facture commerciale, le certificat d’origine, le document de transport, et, le cas échéant, des licences d’importation.
L’importateur ou son représentant en douane doit établir une déclaration via la plateforme électronique BADR (i.e: Base Automatisée des Douanes en Réseau), en mentionnant de manière précise l’espèce tarifaire des marchandises, leur origine, leur valeur, ainsi que leur destination finale. Cette déclaration, déposée auprès du bureau territorialement compétent, est accompagnée des pièces justificatives nécessaires à l’examen de la régularité de l’opération.
En fonction de la politique de gestion des risques appliquée par l’ADII, la déclaration peut faire l’objet d’un simple contrôle documentaire ou, le cas échéant, d’un contrôle physique. Une fois ces contrôles effectués, les droits et taxes sont liquidés, notamment les droits de douane, la taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que les droits d'accise ou taxes parafiscales, selon la nature des marchandises concernées.
Cela étant, il convient de préciser que la mainlevée des marchandises est conditionnée au paiement effectif de l’ensemble des impositions dues, conformément aux dispositions du Code précité. Cette étape marque l’achèvement du processus douanier et permet la mise en circulation des marchandises sur le territoire national.
En complément de la procédure dite "normale", le législateur a prévu des mécanismes alternatifs destinés à répondre aux besoins des opérateurs économiques. Ainsi, une procédure simplifiée peut être mise en œuvre pour certains opérateurs, permettant de différer la production de certains éléments déclaratifs, sous réserve de l’octroi d’une autorisation préalable. Ajoutons à cela que le dédouanement à domicile constitue également une procédure dérogatoire permettant aux entreprises disposant d’un agrément de procéder au contrôle et à la déclaration des marchandises dans leurs propres locaux. En outre, les Magasins et Aires de Dédouanement (MEAD) bénéficient d’un régime spécifique, reposant sur une déclaration sommaire unique permettant le traitement des flux commerciaux sous surveillance douanière.
2. L’application des règles douanières dans les provinces du Sud
La question des démarches à accomplir dans les province du sud est récurrente. Beaucoup, pensent à tord, qu'il existe des procédures particulières, différentes ou simplifiées. Le territoire douanier marocain est défini de manière unifiée à l’article premier du Code des Douanes, qui n'opère aucune distinction territoriale entre les différentes régions du Royaume.
Les provinces du Sud, à savoir les régions administratives de Laâyoune-Sakia El Hamra, Dakhla-Oued Eddahab et Guelmim-Oued Noun, sont intégralement intégrées dans ce territoire douanier, de sorte que l’ensemble des règles douanières y trouvent pleine application, sans régimes spécifiques dérogatoires.
Il en résulte que les formalités de dédouanement y sont appliquées conformément aux mêmes normes procédurales et techniques que dans le reste du pays. Toutefois, dans le cadre de la mise en œuvre de la régionalisation avancée, telle qu’adossée à la Loi organique n° 111-14 relative aux régions, certaines politiques de soutien au développement économique peuvent impliquer des incitations fiscales ou des priorités administratives, sans pour autant créer de régime douanier autonome.
En pratique, les facilités d’ordre administratif ou fiscal offertes dans ces régions s’inscrivent dans les orientations du Nouveau Modèle de Développement des Provinces du Sud, lancé en 2015, qui vise à renforcer leur attractivité économique. Elles doivent toutefois être validées au cas par cas par les services régionaux de l’Administration des Douanes, en concertation avec la Direction générale et les ministères sectoriels concernés.
3. Les régimes d'exonération et procédures particulières applicables aux ONG humanitaires
Le droit marocain reconnaît la possibilité pour les organisations non gouvernementales intervenant dans le domaine humanitaire de bénéficier d’exonérations douanières et fiscales, sous réserve du respect de certaines conditions strictement encadrées. Ces exonérations sont prévues tant par le Code Général des Impôts (CGI) que par les accords bilatéraux ou multilatéraux auxquels le Royaume est partie, notamment ceux régissant les opérations de secours en situation d’urgence.
L’article 92-1° du CGI prévoit ainsi une exonération de la TVA à l’importation pour les équipements, matériels et dons destinés à une utilisation humanitaire, sous réserve que l’importation soit effectuée par ou pour le compte d’associations reconnues d’utilité publique. Cette exonération est accordée sur présentation d’un dossier complet comprenant notamment une demande formulée selon un modèle officiel, une facture pro forma et une attestation de donation validée par l’autorité compétente. L’exonération des droits de douane, quant à elle, peut être accordée en vertu de conventions spécifiques ou en application des dispositions adoptées dans le cadre de la coopération internationale en matière d’aide humanitaire.
Dans le cas de situations de crise ou d’urgence, l’ADII peut mettre en place des procédures allégées de dédouanement, notamment en ce qui concerne les formalités déclaratives, afin de permettre l’acheminement rapide des secours. Ces procédures s’inscrivent dans le respect des normes édictées par l’Organisation mondiale des douanes et par les organes compétents des Nations Unies. Il convient de souligner que l’octroi effectif des exonérations est conditionné à la nature humanitaire de la mission, au statut juridique de l’entité bénéficiaire, ainsi qu’à l’affectation exclusive des biens aux fins déclarées. En pratique, les ONG internationales s’appuient fréquemment sur des partenaires locaux reconnus pour faciliter leurs démarches administratives, notamment en matière de reconnaissance d’utilité publique et d’obtention des autorisations requises.
Imane BENCHAQROUN
